Aller au contenu

ERICK MARSET

UN EXTRAIT

des aventures de Inje

Le camion dans lequel avait pris place Sangro roulait à vitesse moyenne ; sur les côtés du caisson on pouvait lire : « Alimentation saine – produit diététique ». Dans la cabine les occupants tenaient une discussion relativement animée.
— Il paraît que tu t’es fait battre par John…Tu sais, je te le dis, il y a longtemps qu’il voulait te faire passer un mauvais quart d’heure. Il cherchait une occasion c’est tout. Mais je t’assure que ça ne lui suffit pas…Moi à ta place, je ferais attention, je me mettrais des yeux dans le dos, boug an-mwen (mon gars).
— Mais comment as-tu fait pour savoir ça ? demanda Sangro l’air intrigué.
Il fouillait son interlocuteur du regard.
L’autre répondit d’un ton suffisant.
— On me l’a dit…
Sangro s’énerva. 

 

— On on, qui ça on ? Je veux savoir qui t’a dit ça. Tu peux me parler franchement au lieu de faire tout ce mystère, espèce d’imbécile !
— Moi, un imbécile !?… Au fond je commence à croire que John a fait une bonne action. J’aurais vraiment voulu être là pour voir ça… Voir la tête que tu avais !
Sangro voulut se rassurer, trouver un courage qu’il n’avait pas et qui lui faisait terriblement défaut.
Il s’exclama.
— Il faut que tu me dises qui t’a raconté ça…Quant à John je pense lui faire payer un jour où l’autre ce qu’il m’a fait. Et d’ailleurs ils vont tous payer…Keyl tout d’abord. Pour lui je suis un boloko*, un pantin qu’il bouge quand il veut et…
L’autre le coupa vivement.
— Je t’arrête tout de suite. Ce serait la plus mauvaise chose que tu ferais de ta vie. Tu ferais mieux d’oublier tes désirs de vengeance…Parce que si tu trahis, il va te tuer sans pitié. Où que tu puisses te cacher, ils te retrouveront. Personne ne pourra te sauver… Crois-moi laisse tomber.
Sangro s’indigna.
— Et je dois faire quoi d’après toi, Roland ?…Rester là à prendre des coups pour un rien…Etre un martyr ?
— Martyr ? tu exagères là (il observa son coéquipier un court instant). Martyr c’est plus à la mode, ça. Quelques bosses de temps en temps ne font de mal à personne d’après moi.
— A ta place, tu peux rigoler. C’est pas toi qui prend les coups…Je ne veux plus souffrir comme ça. S’ils osent encore me frapper, je me révolte…Et toute l’organisation va être à l’eau.
— Alors, écoute (le ton de Roland se voulait persuasif). Le seul conseil que je puisse te donner c’est : encore une fois, laisse tomber. Et j’oublie aussi notre conversation et…
Il s’interrompit en constatant que Sangro le regardait avec intensité. Cela le troubla quelque peu mais il essaya de masquer ce fait, et reprit.
— C’est John qui m’a raconté ce qui t’es arrivé. (Il avala sa salive et continua) il m’a dit beaucoup de choses…zafè aw mélé toubòlman ! (tu es dans de sales draps!)
Sangro sentait monter l’angoisse en lui.
— Quelles choses ? interrogea-t-il avec force. Et comment tu arrives à parler avec John ? C’est bizarre, ça…